Entretien de Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, avec "Ikon.mn" (Oulan-Bator, 29 juin 2023)

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Q - Bonjour Madame la Ministre. Pourriez-vous nous faire part de l’objectif de votre visite en Mongolie ?

R - Je suis venue en Mongolie à l’invitation de mon homologue et amie, Mme Battsetseg, pour participer à la réunion des femmes ministres des Affaires étrangères, qu’elle organise sur le thème de la diplomatie féministe et des droits des femmes. Avec l’Allemagne, donc en présence d’Annalena Baerbock, la France co-parraine cette réunion, à laquelle je suis aussi heureuse de retrouver, notamment, mes homologues indonésienne et sud-africaine. La diplomatie féministe est une des priorités de la diplomatie française. Nous la mettons en œuvre quotidiennement et sans relâche.

Je suis aussi venue à la demande du Président Macron, pour assurer le suivi de la visite d’État en Mongolie qu’il a effectué les 21 et 22 mai, il y a tout juste un peu plus d’un mois. C’était une visite historique, la première d’un chef d’État français en Mongolie et elle a permis d’initier une dynamique forte, dans laquelle je m’inscris, qui vise à approfondir notre "partenariat privilégié", termes par lesquels nous qualifions désormais notre relation. L’objectif que nous partageons avec les autorités mongoles, c’est de renforcer mutuellement la souveraineté et l’autonomie stratégique de nos deux pays, dans des secteurs clefs tels que l’énergie, les métaux critiques, les télécommunications, la sécurité, et l’agriculture. Pour tous ces sujets, de belles perspectives de coopération existent entre nos deux pays. J’aurai l’occasion d’en parler avec le Président Khürelsükh, qui me fait l’honneur de me recevoir.

Q - Le Président de la République française Emmanuel Macron a effectué une visite d’État en Mongolie en mai dernier. Comment la France évalue-t-elle, a posteriori, les résultats de cette visite ?

R - La visite du Président Macron a été historique, je le répète. Sa visite en Mongolie ouvre des perspectives très prometteuses de coopération entre nos deux pays. Le Président a été très honoré de l’accueil exceptionnel qui lui avait été réservé. Sa visite témoigne de la forte dynamique bilatérale entre la France et la Mongolie, que nous considérons comme un "partenaire privilégié" et qui nous fait l’honneur de nous considérer comme l’un de ses "troisièmes voisins". Cette année est ainsi exceptionnelle pour la relation franco-mongole. La France est fière de son partenariat avec la Mongolie, qui se fonde sur les nombreuses valeurs que nous partageons, en particulier un attachement commun à la démocratie, aux droits de l’Homme, à l’État de droit, et à un ordre international fondé sur le droit, respectueux des principes de la Charte des Nations unies. Comme le Président Macron l’a indiqué au Président Khürelsükh, notre relation s’inscrit en outre dans une dynamique de solidarité et de soutien que la France souhaite apporter aux pays qui peuvent ressentir le besoin, compte tenu de leur situation stratégique, pour renforcer leurs partenariats dans une logique de souveraineté ou d’autonomie stratégique. Nous souhaitons réellement agir de concert avec la Mongolie sur la scène internationale, dans un esprit de solidarité et de coopération. C’est dans cet esprit que le Président Macron a évoqué avec le Président Khürelsükh plusieurs grands axes stratégiques de coopération bilatérale, tels que la transition énergétique, la coopération en matière de métaux critiques, ou encore le développement d’un partenariat dans le domaine spatial.

Q - La partie française a formulé une proposition concrète de coopération dans les domaines de l’uranium et de l’énergie. Quels progrès sont susceptibles de survenir en premier dans ce domaine ?

R - La France est en effet prête à accompagner la Mongolie dans sa transition énergétique, et la décarbonation de son économie. Concrètement, cela passera par une coopération sur les énergies renouvelables, pourquoi pas également sur le nucléaire civil dans une perspective de long terme. Nous proposons aussi de travailler ensemble au renforcement nos souverainetés énergétiques respectives, notamment s’agissant des ressources en matière de métaux critiques dont dispose votre pays. Cela passera par des projets à fort impact sur le développement de votre pays, et qui seront pleinement respectueux de l’environnement. Je pense au projet majeur conduit conjointement par Orano et MonAtom, pour l’extraction de l’uranium, pour lequel nous espérons franchir une étape importante à l’automne prochain, mais pas seulement. S’agissant des autres minerais critiques, nous souhaitons explorer d’autres pistes de coopération. C’est pourquoi je suis venue en Mongolie avec le délégué interminis tériel français aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques, et avec notre Bureau des recherches géologiques et minières.

Q - Quelles sont les attentes de la France à l’égard de notre pays dans ce domaine ?

R - Comme je vous le disais, la visite du Président Macron en mai a donné une impulsion majeure à la relation et a ouvert de nouvelles perspectives. Nos attentes sont désormais d’enregistrer des avancées concrètes, notamment le lancement de la phase d’exploitation industrielle du projet d’extraction d’uranium puisque la phase pilote s’est conclu avec succès. Nous espérons également que de nouveaux projets permettant d’aider la Mongolie à progresser sur la voie de la transition énergétique émergeront prochainement. Dans l’immédiat, nos échanges portent sur la façon d’attirer des investisseurs, afin de produire l’énergie dont le développement de la Mongolie a besoin, au meilleur prix et avec des sources d’énergie verte et renouvelable.

Q - En considérant l’histoire et l’avenir des relations entre nos deux pays, dans quel domaine estimez-vous que la coopération est la plus étroite ?

R - Il y a la coopération énergétique dont nous avons parlé, mais il y a surtout les échanges humains, auxquels nous sommés très attachés. Les Français aiment la Mongolie, comme en témoigne le très fort intérêt des touristes français pour le pays, comme les Mongols aiment la France. Et à ce titre, dans le domaine de la culture, je tiens à saluer l’exposition inédite sur Gengis Khan au Musée de Nantes, qui sera inaugurée en octobre prochain. Cette exposition contribuera à faire mieux connaître votre culture au public français. En matière d’éducation, nous attachons aussi de l’importance à l’enseignement du français en Mongolie, dont nous célébrons les 60 ans. Et nous allons développer des programmes de bourses, en particulier dans le cadre du programme "Boursiers du Président-2100" lancé par la Président Khürelsükh, afin de permettre à plus d’étudiants d’étudier chez nous. Il y a enfin notre partenariat en matière agricole, qui est particulièrement dynamique, notamment dans le domaine de l’agriculture durable ainsi que de l’élevage. Nous avons d’ailleurs été ravis d’accueillir la Mongolie en tant que pays d’honneur du Salon international de l’élevage qui s’est tenu à Clermont-Ferrand en octobre dernier et vous vous souvenez également de la venue du ministre français de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, mon collègue Marc Fesneau, en Mongolie en avril.

Q - Quels progrès est-ce que l’industrie de l’énergie nucléaire apportera au changement climatique mondial ?

R - Nos présidents se sont accordés en mai sur le principe d’une feuille de route sur la transition énergétique et la décarbonation de l’économie mongole, qui passera par une coopération sur les énergies renouvelables, et en effet, par une coopération, y compris de gouvernement à gouvernement, en matière de nucléaire, ainsi que par la volonté de bâtir un chemin de financement pour soutenir à cette transition. L’énergie nucléaire est une source d’énergie fiable, qui n’émet pas de carbone et produit à la fois de l’électricité et de la chaleur. À l’échelle du climat mondial, c’est donc l’un des éléments importants d’un mix énergétique pour assurer une transition vers le bas-carbone.

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