Q&R - Point de presse live (4 avril 2024)

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Q - Une question sur les tensions croissantes après l’attaque, les frappes attribuées par Téhéran à Israël sur Damas. Il est question de représailles dans les prochains jours - en tout cas, les Israéliens se préparent. Est-ce que vous vous attendez effectivement à une riposte iranienne ? Et auquel cas, quelle serait la position du Quai d’Orsay ?

R - Comme l’a dit le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Stéphane Séjourné lors de sa conférence de presse avec le Secrétaire d’État américain, l’idée générale - et c’est ce que nous avons dit depuis le début - c’est d’éviter l’escalade régionale. Nous l’avons toujours dit : tous les acteurs qui cherchent l’expansion du conflit au Nord d’Israël, en mer Rouge ou ailleurs portent l’entière responsabilité du risque d’embrasement. Et dans ce cadre, la France a toujours appelé l’ensemble de ces acteurs, y compris l’Iran, à s’abstenir de rechercher l’escalade.

Q - J’ai trois questions différentes. La première : le Président a parlé ce matin d’un follow-up un peu baroque et menaçant à la conversation qu’il y a eu hier soir entre MM. Lecornu et Choïgou, est-ce que ça met un terme à tout solutionnement diplomatique, qui a un temps été favorisé par la France, à la question ukrainienne ? La France a donc essayé et ça ne s’est pas forcément bien terminé. Ma deuxième question a trait au Sénégal : l’investiture, est-ce que vous savez quand elle aura lieu et qui s’y rendra ? Et la troisième question : M. Le Drian parlait aujourd’hui, à titre personnel, peut-être d’une nécessité de devoir reconnaître l’État palestinien ; est-ce que, sachant que l’Espagne s’inscrit maintenant dans ces termes aussi, est-ce que c’est quelque chose que la diplomatie française est en train de considérer sérieusement, M. Macron ayant déclaré qu’il n’y avait pas de tabou sur le sujet ?

R - Sur votre première question, le Président de la République réagissait aux communiqués qui sont sortis suite à l’appel entre le ministre de la Défense russe et le ministre des Armées français hier. Je vous renvoie assez volontiers au ministère des Armées, puisque c’est un échange qui a eu lieu à ce niveau. Je pense que le Président de la République a été suffisamment explicite. Je ne crois pas qu’il y ait de commentaires supplémentaires à faire.

Sur le Sénégal, l’investiture a eu lieu, comme vous le savez. Seuls les chefs d’État et de gouvernement africains ont été conviés à cette investiture et la France a été représentée par son ambassade. Je vous rappelle que Président de la République a réitéré à plusieurs reprises ses chaleureuses félicitations à M. Bassirou Diomaye Faye pour son élection, a salué le bon déroulement de ces élections et le choix souverain du peuple sénégalais. Il a aussi, à cette occasion, exprimé sa volonté de poursuivre et d’intensifier le partenariat entre le Sénégal et la France, au cours d’un entretien téléphonique qui a eu lieu à la fin du mois de mars.

Sur les propos de Jean-Yves Le Drian, qui est le représentant personnel du Président de la République pour le Liban, il s’exprime à titre personnel, et je ne vais pas commenter précisément ce qu’il a dit. Je vais vous rappeler que la France a toujours reconnu les aspirations légitimes du peuple palestinien à disposer d’un État. Nous continuerons d’œuvrer pour une solution à deux États vivant côte à côte en paix et en sécurité. C’est précisément - et c’est ce que je vous disais dans mes propos liminaires - l’objet de ce projet de résolution que la France prépare. L’État palestinien doit être un État viable. Il doit être basé sur un territoire contigu, avec une Autorité palestinienne qui doit être revitalisée et qui doit avoir un rôle central. C’est un point central des discussions qu’a le Ministre avec ses différents partenaires. Comme je vous l’ai dit, il a eu cette discussion avec ses partenaires égyptien et jordanien. Il l’a mentionné à son partenaire chinois et à son partenaire guyanais, ainsi qu’au Secrétaire d’État américain lors de sa visite à Paris.

Q - Ma question porte sur le Soudan. J’ai bien entendu tout ce que vous avez évoqué. Alors effectivement, c’est très bien d’organiser une conférence humanitaire. Mais au-delà de la question humanitaire, il y a la question politique. Vous savez comme moi qu’il y a de nombreux pays qui s’ingèrent dans la crise soudanaise, en prenant parti pour un camp ou l’autre. Il y a notamment les Émirats arabes unis qui fournissent des armes aux forces paramilitaires du général Hemetti en passant par des pays voisins. Notamment, ils livrent du matériel militaire au Tchad, qui est ensuite détourné pour être livré à Hemetti. Et le président tchadien, avec qui nous avons une étroite collaboration, va même plus loin en envoyant des mercenaires combattre aux côtés de Hemetti, mercenaires qui sont rémunérés par les Émirats arabes unis. Je pense que la France n’ignore pas cette situation, puisqu’on a une présence militaire très forte au Tchad, avec notamment une emprise à Abéché, non loin de la frontière tchado-soudanaise. Donc ma question est la suivante : est-ce que la France condamne finalement l’ingérence de ces pays, comme les Émirats ou le Tchad qui, en violation de toutes les conventions internationales, contribuent à l’aggravement de la situation au Soudan ? Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose d’un peu hypocrite, pour la France, d’organiser une conférence humanitaire, tout en entretenant les meilleures relations du monde avec des pays qui sont responsables en partie de la crise au Soudan et du bain de sang qui s’y déroule ?

R - L’aspect humanitaire de la crise au Soudan est l’aspect qui nous semble le plus urgent. Je vous ai rappelé des chiffres qui sont assez édifiants. Le plus urgent c’est donc d’apporter une solution humanitaire aux millions de Soudanais qui se retrouvent dans une situation précaire aujourd’hui. Mais nous l’avons aussi déjà dit, ce volet humanitaire doit être complété par une invitation à ce que l’ensemble des parties s’engagent dans un processus politique de résolution du conflit, dans lequel les civils soudanais et leur aspiration démocratique ne devront pas être laissés pour compte. Dans ce cadre, nous avons toujours appuyé l’ensemble des initiatives de paix visant à favoriser une résolution du conflit. Comme je vous le disais en introduction, dans cette conférence que nous organisons le 15 avril prochain, il y a un volet humanitaire, mais il y a aussi une discussion et une réunion à un niveau politique qui traitera justement de ces questions-là. Nous avons, nous, un engagement qui est assez fort et cette conférence a pour objet d’amplifier ce soutien. Un soutien financier puisque, à ce jour, la France a déjà apporté une aide de 55 millions d’euros pour répondre aux besoins humanitaires les plus prioritaires - besoins humanitaires de la population soudanaise, mais aussi des réfugiés soudanais, parce qu’il y en a beaucoup, et il y en a notamment beaucoup dans les pays voisins. Encore une fois, il nous semble que c’est un problème qui ne peut pas être réglé uniquement avec les Soudanais, mais avec l’ensemble des pays voisins et des partenaires internationaux.

Q - Quelques questions, s’il vous plaît. J’aimerais d’abord revenir à la question de mon confrère sur la reconnaissance de la Palestine. Il y avait des rapports, ces derniers jours, comme si la proposition sur laquelle vous travaillez et pour le Conseil de sécurité a des éléments plus concrets que celle de la proposition traditionnelle que vous avez évoqué sur les aspirations, les deux États, etc. Et justement, ce sont ces éléments plus concrets dans votre proposition qui ont amené les Palestiniens à envoyer leur lettre à M. Guterres. Donc est-ce que vous pourriez dire s’il y aura quelque chose de plus que la position traditionnelle de la France sur le sujet ?

J’aimerais aussi vous demander, vous avez parlé, vous avez félicité le nouveau gouvernement palestinien, est-ce que vous avez déjà, ou est-ce que vous avez le projet d’inviter le nouveau Premier ministre palestinien à Paris ?

Et j’aimerais aussi évoquer aussi la question du Soudan. Est-ce qu’il y a un chiffre sur la table ? Combien la France va mettre, comme aide humanitaire ?

Une dernière et toute petite question, est-ce que vous avez des détails sur la proposition française qui était présentée aux Libanais, aux Israéliens, il y a assez longtemps déjà, et on n’a toujours pas eu les éléments de cette proposition ?

R - Sur votre sur votre première question, le projet qui est proposé par la France et qui est discuté avec les différents pays partenaires est un projet de résolution qui va plus loin que la résolution 2728, puisqu’il propose, en sus d’un cessez-le-feu durable, de poser les paramètres d’une solution politique viable et durable pour les Territoires palestiniens. La France travaille dans ce cadre depuis le mois d’octobre au Conseil de sécurité, dans le même état d’esprit qui nous a déjà conduit à soutenir deux résolutions en ce sens ainsi que de nombreux textes dont un projet brésilien, qui visaient à permettre au Conseil de sécurité des Nations unies de prendre ses responsabilités face à cette crise, qui est une crise majeure. C’est dans cet esprit que nous travaillons à une initiative qui, encore une fois, vise à poser les paramètres d’une solution politique. C’est un travail que nous menons avec nos partenaires : le Ministre en a discuté avec ses homologues européens du Conseil de sécurité, il s’en est entretenu avec ses homologues de la région, le sujet a été abordé lors de son déplacement au Caire où était également présent son homologue jordanien, ainsi qu’avec Antony Blinken. Donc je ne vais pas vous donner de détails extrêmement précis aujourd’hui, mais l’idée de cette résolution, c’est bien d’aboutir à un texte qui puisse être adopté par le Conseil de sécurité des Nations unies, et qui puisse poser, encore une fois, les paramètres d’une solution politique durable.

Le nouveau gouvernement palestinien, sur la question de savoir s’il va être invité à Paris, je n’ai pas d’élément, je ne peux rien vous confirmer pour le moment. Nous avons simplement pris acte de sa formation. Et donc, ce que je vous disais dans le communiqué de presse, c’est que nous saluons la formation de ce gouvernement.

Sur le Soudan, les besoins, comme je vous le disais, sont considérables, et l’appel des Nations unies mentionne près de 4 milliards de dollars de besoins humanitaires. Cette conférence qui sera organisée conjointement avec l’Allemagne et l’Union européenne doit permettre de mobiliser l’ensemble de la communauté internationale sur le plan politique, mais aussi sur le plan financier. Je n’ai pas de chiffre à vous donner à ce stade, mais ce qui est certain, c’est que la communauté internationale doit être au rendez-vous, et la France sera au rendez-vous, parce qu’encore une fois, nous ne voulons pas que le Soudan devienne une crise oubliée de tous.

Q - Doit-on s’attendre aussi à une conférence des donateurs ?

R - Il y a plusieurs volets dans cette conférence : il y a un volet politique et il y a un volet humanitaire, qui sera effectivement un volet avec des appels à contribution.

Q - Des appels à contribution ? Des pledgers ?

R - Oui.

Et sur le Liban, je suis vraiment désolé, je vais devoir vous décevoir, mais non, au-delà de la réaction libanaise que nous avons eue, je n’ai pas de précisions… C’est une proposition que le Ministre avait transmise à ses homologues israélien et libanais. Les autorités libanaises ont répondu, et je vous en avais fait part lors d’un précédent point de presse, les autorités libanaises avaient réservé un accueil plutôt favorable à ces propositions.

Q - À nouveau sur la question de la reconnaissance de la Palestine, comme il a été évoqué, le gouvernement espagnol a redit sa proposition de faire une reconnaissance, et maintenant, il a dit, le chef du gouvernement, que ça pourrait se faire d’une manière disons plutôt rapide, avant le mois de juillet. Est-ce que la France, qui n’avait pas la même position, considère que c’est trop tôt pour le faire ? Est-ce que vous considérez que cette question doit être traitée à l’intérieur de l’Union européenne pour avoir une position commune ? Et quels seraient les risques d’une reconnaissance, à votre avis, trop tôt, puisque la Palestine n’est pas, disons, d’après ce que j’ai compris de votre position, n’est pas prête pour une reconnaissance dans les prochaines semaines, dans les prochains mois.

R - Je ne vais pas faire de commentaires sur la position des autorités espagnoles, mais d’une manière plus générale, c’est une question que nous traitons un peu en toile de fond, à tous les niveaux, et notamment au niveau multilatéral, au sein de l’Union européenne, bien évidemment, au sein des Nations unies, ainsi qu’avec les partenaires de la région. Encore une fois, nos positions sur le sujet sont connues. C’est ce que j’ai répondu lors des différentes questions. La France travaille, pour le moment, à un projet de résolution qui puisse permettre de poser les paramètres d’une solution politique pour les Territoires palestiniens.

Q - La France a reconnu, enfin a voté en faveur de la décision du Conseil exécutif des États des Nations unies exigeant un cessez-le-feu à Gaza, et visant également à permettre à l’aide humanitaire d’entrer dans la région. Après cette décision, Israël a tué sept travailleurs humanitaires. À votre avis, Israël ne viole-t-il pas clairement la décision du Conseil de sécurité de l’ONU ? Et envisagez-vous d’imposer des sanctions à Israël pour qu’il se conforme au droit international humanitaire ?

R - Le Ministre l’a redit mardi, lors de sa conférence de presse avec le Secrétaire d’État Blinken. Il a condamné très fermement la frappe israélienne qui a conduit à la mort de sept personnels humanitaires de l’ONG World Central Kitchen. La protection du personnel humanitaire est un impératif moral et juridique, auquel tout le monde doit se tenir, conformément au droit international. Nous adressons nos condoléances aux familles et aux proches des travailleurs décédés suite à la frappe. Je comprends effectivement votre question, puisque c’est une frappe qui intervient à quelques jours du vote d’une résolution au Conseil de sécurité. Cette résolution, nous l’avons votée et nous l’avons saluée. Nous avons appelé à la mise en œuvre de la résolution 2728 du Conseil de sécurité dans tous ses éléments, puisque cette résolution exige la levée de toutes les entraves à la fourniture d’aide humanitaire à grande échelle, conformément au droit humanitaire, mais exige aussi un cessez-le-feu et la libération de tous les otages. Et nous avons exigé le respect de cette résolution par toutes les parties, et le respect de toute la résolution, dans son intégralité. Comme l’a dit le Ministre, sans respect des résolutions, il n’y a plus de droit international et il n’y a plus de réglementation internationale. Donc c’est un impératif qui s’impose à toutes les parties, qui s’impose à tous les pays, de se conformer aux règles et aux résolutions de droit international, et en l’espèce à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.

Q - Une petite question : au vu de la sourde oreille que fait Israël à tous les appels pour un cessez-le-feu, pour laisser les aides humanitaires rentrer, est-ce que vous envisagez clairement aujourd’hui des sanctions à l’encontre d’Israël ? Est-ce que vous allez travailler dans le sens de la révision de l’accord Union européenne-Israël ?

R - Il y a deux aspects que vous me permettrez de distinguer dans votre question. La première question, c’est celle qui tient à l’accord d’association Union européenne-Israël et qui revient donc à l’Union européenne, au sens où c’est un accord qui a été approuvé à l’unanimité par ses 27 États membres. Donc, toute question de sa suspension ou de sa révocation doit être envisagée de la même manière, à savoir par l’ensemble des 27 États membres de l’Union européenne. Pour ce qui concerne les sanctions à l’encontre d’Israël, je ne reviendrai pas, parce que vous connaissez ça aussi bien que moi, sur les sanctions que nous avons d’ores et déjà prises à l’égard de colons coupables de violence vis-à-vis de Palestiniens de Cisjordanie. Pour le moment, il n’y a pas de discussion en cours sur des sanctions plus générales à l’encontre d’Israël.

Q - Une petite question, Monsieur le Porte-parole : un candidat à la présidentielle libanaise et non des moindres, M. Soleimane Frangié, pour ne pas le nommer, est à Paris aujourd’hui. Est-ce que vous avez connaissance de contacts, puisque la presse libanaise fait état de contacts avec des responsables français, au sujet bien sûr de la sortie de crise libanaise ?

R - Je n’avais pas connaissance de cette visite, aujourd’hui, à Paris, donc je ne suis pas en mesure de vous donner des éléments sur les éventuels entretiens qu’il aurait.

Q - Est-ce que la visite de M. Riester au Maroc est un prélude pour d’autres visites qui sont de plus haut niveau ? Je me rappelle qu’il y a bien longtemps, il était prévu que le Président de la République y aille, et ça a été reporté pour quelques semaines, puis sine die ; est-ce qu’il y a quelque chose de ce niveau ?

R - Comme je vous l’avais indiqué lors du déplacement du Ministre au Maroc, il y a quelques semaines, ce déplacement avait pour but de reprendre une coopération de haut niveau entre la France et le Maroc. Et je vous avais dit que la première visite du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Stéphane Séjourné serait le point de départ d’autres visites. Celle de M. Franck Riester fait partie de cette série de visites pour faire vivre le partenariat unique qui unit la France et le Maroc, qui est fondé sur un lien exceptionnel entre nos deux pays, et qui est renouvelé par un agenda politique qui nous permet aujourd’hui de nous projeter sur les trente prochaines années, avec une feuille de route ambitieuse. Je vous avais détaillé les différents éléments. La visite de Franck Riester, actuellement au Maroc, participe pleinement de cette logique et de ce mouvement, puisqu’il est en charge de l’attractivité et du commerce extérieur. Cela fait pleinement partie de sa feuille de route et c’est pour cette raison qu’il est au Maroc. Cela n’exclut en rien qu’il y ait d’autres visites ministérielles dans le futur dans le cadre de ce partenariat stratégique renouvelé.