Conférence humanitaire internationale pour la population civile de Gaza - Discours de clôture de Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères (Paris, 9 novembre 2023)

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Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de dire quelques mots de conclusion à l’issue de nos travaux, sur ce qui nous rassemble.

L’urgence dans laquelle se trouve la population civile de Gaza, l’appui dont ont besoin les Nations unies, les ONG, le CICR et la FICR, la mobilisation à laquelle les partenaires régionaux et nombre d’entre vous appelez, justifiaient que nous nous réunissions rapidement.

Je voudrais néanmoins tous vous remercier très sincèrement d’avoir fait le déplacement jusqu’à Paris et d’avoir répondu à notre appel dans des délais extrêmement courts. Permettez-moi aussi d’adresser des remerciements plus particuliers au Premier ministre de l’Autorité palestinienne M. Mohammed Shtayyeh, au Commissaire général de l’UNRWA, M. Philippe Lazzarini, et aux Nations unies, qui se tiennent aux côtés des civils sur le terrain.

Je souhaite aussi adresser nos remerciements à l’Égypte, pays qui est aujourd’hui le principal point d’appui du déploiement de l’aide aux civils de Gaza.

Gaza, nos échanges l’ont longuement rappelé, c’est un territoire sous l’emprise, depuis des années, d’un groupe terroriste, le Hamas, dont les Palestiniens sont les premiers à subir le régime de terreur et de prédation économique, et qui, après les attaques du Hamas le 7 octobre, subit une guerre que cette organisation a déclarée.

Aujourd’hui, il s’agissait pour nous tous de prendre toutes la mesure de la situation humanitaire à Gaza. Nos échanges ont été clairs : la situation est dramatique alors que la population manque d’électricité, de fioul, de biens médicaux mais aussi d’eau et de produits alimentaires de base. Les hôpitaux sont débordés et désormais la moitié d’entre eux sont dans l’impossibilité de fournir des soins. Des centaines de civils sont blessés et tués chaque jour, dont de nombreux enfants.

Face à cette situation, que nous ne pouvons pas accepter, nous avons présenté les réponses que nous tous, dans nos responsabilités et nos domaines, pouvons y apporter. Nous sommes tous mobilisés depuis les premières heures mais comme je l’ai dit à nouveau à Doha dimanche dernier, et je le répète : nous devons collectivement faire beaucoup plus et vite. C’est l’objectif de cette conférence.

1) Première réponse, nous devons nous engager en faveur d’une trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue, devant conduire à un cessez-le-feu. Cette trêve est indispensable comme nous le disons depuis les premiers jours de cette opération, afin de permettre la protection des civils, l’acheminement d’une aide à la hauteur des besoins et la prise en charge des civils blessés. Cette trêve devra se compter en jours et non en heures.

Il est également essentiel que l’accès humanitaire par différents points de passage soit facilité de toute urgence. L’aide doit pouvoir être acheminée de manière ininterrompue et le nombre de convois doit augmenter de manière significative pour répondre de manière durable aux besoins des populations civiles. Enfin, il est absolument vital que cette aide puisse être apportée aux civils là où ils se trouvent.

Nous devons aussi nous engager à plaider sans relâche pour le respect du droit international humanitaire, la protection des personnels humanitaires, la protection des civils et des infrastructures civiles. La lutte contre le terrorisme ne peut pas justifier que des civils puissent être pris pour cible. Ces appels doivent être entendus. Le droit international humanitaire impose en tout temps et en tous lieux des principes clairs de distinction, de nécessité, de proportionnalité et de précaution. La protection des civils est à la fois un impératif moral et une obligation internationale valable pour tous.

Nous ne cesserons aussi de rappeler que les sites des Nations Unies et les personnels humanitaires ou de santé doivent être protégés. Nous ne pouvons accepter leur décès par dizaines ni nous résoudre à toutes ces victimes. Il faut aussi souligner avec force que le détournement d’infrastructures civiles et hospitalières à des fins militaires doit tout autant être condamné, ce que nous avons fait à titre national car nous savons que c’est arrivé parfois. Et, bien évidemment, tous les otages doivent être libérés immédiatement et sans conditions, vous l’avez rappelé avec force.

2) Notre conférence avait aussi pour but de nous engager à une mobilisation accrue aux côtés des agences humanitaires. Je salue ici une nouvelle fois l’engagement sur le terrain des Nations Unies, de ses agences spécialisées dont l’UNRWA et celui des ONG et de tous les acteurs humanitaires : vos organisations accomplissent au quotidien un travail remarquable. Elles doivent savoir qu’elles pourront continuer à compter sur nous.

C’est pourquoi nous avons répondu ensemble au nouvel appel d’urgence des Nations Unies d’un montant de 1,2 milliard d’euros dont 450 millions de dollars concernent l’UNRWA, en annonçant des contributions substantielles, auxquels s’ajoutent d’importantes contributions en nature. La France y a pris toute sa part, en annonçant aujourd’hui une mobilisation à hauteur de 100 millions d’euros. Ces derniers jours, la France a également affrété plusieurs vols militaires afin d’acheminer 54 tonnes fret humanitaire et elle participe au point aérien de l’UE avec l’envoi de 33 tonnes de compléments alimentaires et elle poursuivra.

3) Cette conférence, enfin, nous a permis d’échanger sur les initiatives de facilitation et d’appui que nous avons prises ou que nous pourrions prendre ensemble. Je souhaite à cet égard souligner le rôle crucial de l’Égypte, pour l’accueil de blessés, la sortie des civils, l’entrée des biens dont la population a besoin. La France et de nombreux autres partenaires y compris les Nations unies se tiennent prêts à faire beaucoup plus avec votre pays, pour faciliter le déploiement de l’aide humanitaire et renforcer le dispositif d’assistance médicale, notamment en déployant des navires médicalisés.

Je pense aussi à Chypre, dont le Président, M. Christodoulides, nous a présenté son initiative pour un corridor maritime qui permettrait de renforcer la disponibilité d’aide pour Gaza. Je salue cette initiative.

Mesdames et Messieurs, nous avons montré ce matin notre engagement commun et cette mobilisation qui est la nôtre en faveur de la population civile de Gaza est un résultat est remarquable.

Au-delà de notre mobilisation pour pallier la crise humanitaire actuelle, nous devons aussi rappeler que le monde ne peut plus ignorer l’aspiration légitime des Palestiniens et des Israéliens à vivre en paix et en sécurité et nous devons œuvrer en faveur d’une solution politique. Les conditions sont connues de tous : ce sont des garanties indispensables apportées à Israël pour sa sécurité et un État pour les Palestiniens. Les deux forment un tout indissociable. La seule solution viable est une solution à deux États vivant côte-à-côte en paix et en sécurité. L’Autorité palestinienne, dont je salue à nouveau la présence aujourd’hui, devra être au centre de la gouvernance de Gaza après-guerre. La France poursuivra son engagement pour la reprise d’un processus politique, seul gage d’avenir pour les populations palestiniennes et israéliennes. Elle appelle toutes les bonnes volontés, à se joindre à cet effort, sans attendre.

Je vous remercie.